Message de Patricia Miralles Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la mémoire
Journée nationale d’hommage aux « morts pour la France » en Indochine - 8 juin 2024

Le courage des soldats morts pour la France en Indochine n’a pas fini de susciter notre admiration, notre gratitude et notre reconnaissance.

De 1945 à 1954, de l’agression provoquée par le Japon, pays allié de l’Allemagne nazie, jusqu’à la fin de la guerre d’Indochine, ces terres balayées par les moussons ont vu mourir des soldats français. Aujourd’hui, réunis devant nos monuments aux morts, nous honorons leur mémoire.

Nous nous souvenons des résistants aux forces japonaises pendant la seconde guerre mondiale, à ces braves qui se battirent à un contre cinq pendant le coup de force du 9 mars 1945, où plus de 2 500 d’entre eux furent tués.

Nous nous souvenons de leurs successeurs, Français de métropole et d’Outre-mer, engagés de la Légion étrangère, tirailleurs africains, appuyés par des combattants supplétifs vietnamiens, cambodgiens et laotiens. Ceux qui débarquaient à Hanoï et en restaient émerveillés. Pendant quelques jours ou quelques semaines, ils découvraient « la ville dans la courbe du fleuve », la ville à l’architecture éclectique qui pouvait donner l’illusion d’être en métropole.

Et puis vient le jour du départ, le moment du rassemblement, peut-être une dernière lettre, et direction le front. Ils se sont battus dans la jungle, la boue des rizières ou sur les pics de calcaire. Sur ces collines, dans ces vallées où pleuvaient la lumière et le feu. Sous une pluie battante ou une chaleur suffocante, ils découvraient « l’enfer vert » et ne l’ont jamais oublié. Ils y ont laissé une part d’eux-mêmes, quand ce n’était pas la vie tout court.

Progressant à pied, avec difficulté, dans des véhicules motorisés ou parachutés depuis les Dakotas de notre armée de l’air, ils ont lutté et n’ont jamais plié. Dans un rapport de force inégal, où l’armée populaire vietnamienne pouvait s’appuyer sur la géographie comme sur la population locale, ils n’ont jamais rien cédé à l’ennemi. Ni la terre, ni l’honneur.

Et dans le décor d’apocalypse de Diên Biên Phu, qui sans être la dernière bataille a décidé de l’issue de la guerre, un espoir a empêché les combattants rassemblés sur les dernières collines de sombrer. Une silhouette longiligne dans un habit de parachutiste, qui soignait les corps et pansait les âmes. C’était Geneviève de Galard, « l’ange de Diên Biên Phu », qui vient de nous quitter.

Nous nous souvenons de ces hommes pétris de courage et de résolution, volontaires pour beaucoup, que la défaite n’a pas brisés. Nous nous souvenons des prisonniers, de ceux de Diên Biên Phu et de tous les autres, encerclés dans une rizière ou capturés dans une clairière. Ils n’avaient pas fini de souffrir dans ce pays qu’ils ont aussi tant aimé.

Blessés, diminués, fatigués, ils ont connu les marches infernales, des centaines de kilomètres à pied, les chairs à nues, les frères d’armes morts sur les bas-côtés. Et puis les camps de rééducation, les privations, les tortures dans les geôles de bambou. Ces camps d’un genre particulier, des camps sans miradors ni barbelés, avec peu de gardiens, mais où la langue, la couleur de peau, l’environnement et la faiblesse des hommes rendaient les évasions chimériques.

La plupart des prisonniers survivants, restés quelques mois dans les camps, sont libérés à l’été 1954, après la signature des accords de Genève. Si peu d’entre eux nous sont pourtant revenus. Parmi eux, ils sont nombreux à avoir été confrontés au soupçon, par leur propre armée qu’ils aspiraient à retrouver, de compromission avec l’ennemi.

70 ans après, le temps n’efface ni leurs souffrances, ni leur courage, et encore moins la reconnaissance de la Nation. Car là-bas, en Indochine, dans cette guerre lointaine sur les cartes comme dans les esprits, dans ce conflit de la guerre froide qui n’intéressait pas une métropole toute occupée à se reconstruire, des destins individuels se sont brisés et des héros se sont révélés. Ces frères d’armes y ont consacré le meilleur d’eux-mêmes : leur valeur, leur courage, leur jeunesse.

Ils méritent que nous nous souvenions d’eux. Honorons les morts comme ceux qui en sont revenus et qui, depuis, portent la mémoire de leurs frères d’armes.

Vive la République !

Vive la France !